www.gimp.clan.st : Le GIMP CLAN. Le portrait de Fabien Galthié, capitaine du XV de France. Tournoi des VI Nations

Interview de Fabien

 

 

 

 

 Il a déjà participé à 3 Coupes du Monde et espère bien tenir jusqu'en 2003 pour être enfin couronné avec le Quinze de France. Pourtant, son parcours rugbystique n'a pas été des plus classiques : sélectionné pour la première fois en juin 1991 face aux Roumains, l'avenir du demi de mêlée columérin semblait tout tracé. Mais des blessures répétées et les choix des sélectionneurs ne l'ont pas favorisés. Souvent rappelé dans le groupe France en tant que remplaçant de luxe, Fabien Galthié est devenu depuis la Coupe du Monde 1999 l'un des piliers du Quinze tricolore. Il a su s'imposer comme le patron du pack des Bleus et reste à l'heure actuelle l'un des leaders du Groupe France.


Entretien avec Fabien :

A quel âge as-tu commencé le rugby ?

Fabien Galthié : j'ai commencé le rugby très tôt, à 7 ans.

Quel est le nom de ton premier club ?

F. G. : Tournefeuille, c'est un petit club dans la banlieue de Toulouse.

Quel est le nom de ton premier entraîneur et quels souvenirs en gardes-tu ?

F. G. : Jean-Noël Galthié...( rires )...Eh oui c'était mon père. Après, les souvenirs sont toujours les mêmes : quand tu est petit, c'est vraiment le jeu, l'amusement avec les copains.

Quelle est la couleur de ton premier maillot et en as-tu un exemplaire ?


F. G. :
bleu et noir. Je ne crois pas en avoir un, mais je garde bien en tête l'image de ce maillot. J'étais tellement fier de jouer que je remettais les chaussettes et les survêtements du club dès le lendemain pour aller à l'école.

Avais-tu une certaine vision du professionnalisme ?

F. G. : non, à l'époque on était loin de parler de rugby professionnel parce que cela n'existait pas...

Comment es-tu passé du rugby amateur au rugby professionnel ?

F. G. : comme tous les anciens présents ici...( rires ). Non, je crois que ça s'est fait lentement et que l'on a eu le temps de s'habituer.

As-tu encore le temps de suivre le championnat amateur ?

F. G. : non, pas du tout ! Malheureusement pas du tout.

As-tu gardé des contacts avec des dirigeants amateurs ?

F. G. : très peu en fait. Mon père a quitté le milieu et depuis je n'ai pas vraiment eu l'occasion de revoir les dirigeants de Tournefeuille. C'est vrai qu'avec le peu de temps de libre que j'ai, j'essaye de sortir le plus possible du monde du rugby.

Quel fut ton premier boulot ?

F. G. : je cassais le maïs à la campagne. Ça m'a coûté plus cher en déplacements que la paye que j'ai touchée à la fin...( rires ).

Quel est ton surnom ?

F. G. : Fanou.

Est-ce que tu peux balancer le surnom d'un joueur qui justement ne l'aime pas ?

F. G. : je n'ai personne qui me vient à l'esprit.

On sort du rugby, quel est ton loisir préféré ?


F. G. : comme beaucoup de rugbymen et de sportifs en général, je dirais le golf..

Quel est ta blague préférée ?

F. G. : ouh là... je sèche !... En tout cas, je ris volontiers d'habitude.

Quel est ton film préféré ?

F. G. : j'ai pas de film dit "culte" mais le dernier film qui m'a marqué s'appelle "Himalaya".

Quel est ton fantasme ou ton rêve ?


F. G. : ( hésitations ) le fantasme je le garderai pour moi ! Mon rêve, ou plutôt mon souhait reste de vivre plein d'expériences, les plus heureuses possibles. Ne pas me faire chier avec certains trucs, ne pas avoir de regrets, ne pas être aigri. Être bien tout simplement.

Est ce que tu conseilles le sexe avant - match pour les amateurs ?

F. G. : bien sûr ! Pourquoi pas ? Mais même pour les pro je le conseille...( rires ). C'est mieux avant parce qu'après le match, on est généralement un peu fatigué ! ( rires ).

Comment vois-tu l'après-rugby ?

F. G. :
je ne sais pas. J'espère juste ne pas être aigri et continuer à prendre du plaisir à voir du rugby. J'espère aussi avoir fait la part des choses et quitter le milieu propre du rugby. Il sera important de retrouver d'autres centres d'intérêts forts.

Dernière question, es - tu internaute ?

F. G. : assez peu. Oui, je surfe de temps en temps mais ce n'est pas régulier. Je peux dire que je suis un internaute ponctuel : j'y vais pour voir mes actions en Bourse ( rires ).

 

Le petit prince romantique

Le demi de mêlée de Colomiers est le spécialiste des rendez-vous manqués... qui se terminent bien. Ignoré dans un premier temps, puis appelé en renfort sur le terrain, Fabien a réussi, en quelques minutes, à montrer qu'il pouvait être un patron.

Pour la deuxième fois, la Coupe du monde lui avait posé un lapin. Mais Fabien Galthié l'a rattrapée en chemin. Ainsi va la vie d'un demi de mêlée romantique qui n'est pas sans rappeler le destin d'un Pierrot Danos, tantôt plaqué par l'infidèle renommée, aussitôt rentré dans ses grâces. On n'est pas prêt d'oublier son sacrifice, l'autre dimanche, au bas du mont Lomu. Ni son coup de pied tiré au millimètre par-dessus la ligne noire pour l'essai de Dominici. Ni ses plaquages, ni ses interventions derrière un pack bleu que tous les numéros-9 de la planète auraient aimé cornaquer ce jour là. A la sortie, le garçon a gardé sa joie, que l'on devinait énorme, bien sûr tout à l'intérieur.

Oubliée la rancœur, oublié l'affront de son éviction, oublié...

«Bien sûr que tu y vas!»

A Colomiers, un homme ne se rassasie pas de ces images. Michel Bendichou, son président, son deuxième père, n'est peut-être pas tout à fait étranger au rappel de Fabien avant le match contre les Fidji. «Je suis membre du comité directeur. Vous pensez bien que j'ai fait le tour des popotes pour plaider en sa faveur. Je leur disais qu'il était impensable de se priver d'un tel atout, tout ça parce qu'il avait contesté les choix de jeu du XV de France.

Fabien réalisait de grosses performances en championnat depuis le début de la saison. La sagesse a parlé et c'est bien pour tout le monde.» Alors, la veille du succès sans plaisir contre les Fidji, le joueur appelle son «patron» : «Président, ils me demandent de revenir. Qu'est-ce que je fais? — Tu y vas, bien sûr !» Le tout s'est déroulé en cinq minutes.
La suite, on la connaît. Les Bleus ont (re)trouvé au pays de Michel Plasson le chef d'orchestre qui leur manquait.

Colomiers à jamais

Fabien Galthié est l'un des derniers survivants du rugby de clocher égaré dans le monde des affaires. «Il est un enfant du club. Nous l'avons ici depuis l'âge de sept ans», soupire-t-on à l'US Colomiers. Il aurait pu s'en aller cent fois. Comme Jean-Luc Sadourny, il intéresse très fort les stratèges du rugby professionnel. «Ce qu'on lui a proposé, ça fait peur!», soupire Michel Bendichou. «On ne peut même plus parler d'argent, mais de fortune. Et pourtant il est resté. Je sais que personne n'arrive à comprendre. A Colomiers, nous n'avons qu'une ambiance familiale à lui proposer et une ambition sportive. Sadourny et lui veulent réaliser un truc avec leur club, ramener le Bouclier, ce qui serait extraordinaire avec nos moyens financiers.» Fabien Galthié assure ses arrières. Cadre à la Société Générale, il a pris un an de congé sans solde pour participer à la Coupe du monde. D'où sa double frustration lorsque les entraîneurs le renvoyèrent à la maison cet été.

Il se ressource dans le Lot

Mais la roue tourne et Fabien renoue avec la bonne fortune. Lui aussi a eu son lot de blessures. Son pire souvenir est probablement ce genou démoli hors du jeu, lors d'une rencontre de coupe d'Europe, en Irlande. Mais les siens l'ont soutenu et, sans le clamer sur les toits, il a toujours préparé sa revanche. Le garçon ne se trouve pas là par hasard encore une fois : il était bon pour le service national.

A 20 ans, il remplace Berbizier au pied levé lors de la première Coupe du monde. Quatre ans plus tard, il s'envole pour l'Afrique du Sud, mais pas dans le même avion que les Tricolores. Oublié de la sélection, son entourage lui donne un conseil malin : «Va jouer au Cap pendant la tournée, en cas de besoin tu seras sur place.» Bien vu : Fabien intègre le groupe en cours de voyage.

Avec son air d'éternel adolescent peu bavard, Fabien Galthié restera à jamais l'enfant chéri de l'Union Sportive de Colomiers. Mais le gamin a grandi et pris de l'autorité. Très lié à sa vraie famille, il file régulièrement se ressourcer chez ses grands parents, dans le Lot. C'est ici qu'il trouve la potion magique pour ressurgir de plus belle sur le terrain de la gloire.

 

 

INTERVIEW
Le 06 avril 2002, la France vient de remporter le 1er Grand Chelem de l'histoire du tournoi des VI Nations.

 

Capitaine de l'équipe de France, Fabien Galthié ne cachait pas son bonheur à l'issue de la rencontre. Victime d'une terrible blessure au genou, en 1997, face à ces mêmes Irlandais, ce Grand Chelem représente une délicieuse revanche. Entretien.

 

Fabien Galthié, comment s’est déroulée cette rencontre face aux Irlandais ?
On a bien attaqué, on a marqué très rapidement et malgré un essai irlandais, nous sommes restés concentrés tout au long du match. Nous avons été performants à tous les niveaux, aussi bien à la conquête du ballon qu’en touche, en défense ou en mêlée. Nous avons bien gardé le ballon en notre possession. La bonne gestion de nos temps faibles a été également pour beaucoup dans notre large succès. Même lorsqu’ils pressaient dans nos derniers mètres, on parvenait à récupérer la ballon. Nous avons toujours été au combat face à des Irlandais qui ne le refuse jamais.

Vous avez rapidement compris que la victoire ne pouvait plus vous échapper…
Oui mais à ce niveau, les rencontres peuvent basculer à n’importe quel moment. Il fallait rester dans le rythme et garder toute notre concentration.

Ce match face à l’ Irlande, c’est une belle revanche pour vous…
C’est bien vrai. La dernière que fois que j’avais joué l’ Irlande, en 1997, j’avais quitté le terrain sur une grave blessure. Cinq ans plus tard, je joue et je gagne le Grand Chelem. C’est la vie d’un rugbymen. C’est mon destin. Il m’a fallu de la volonté et un peu de chance. Mais aujourd’hui, je n’oublie pas ces années de galère, ces moments de solitude. Je me posais beaucoup de questions sur mon avenir et je ne savais même pas si je reviendrais un jour.

Le Grand Chelem dans la poche, les regards se tournent-ils déjà vers les prochaines rencontres ?
Ce qui est pris n’est plus à prendre. Dans notre beau livre, les pages de ce Grand Chelem sont désormais écrites. Ce que l’on a fait, c’est beau. Maintenant, le plus dur reste à faire. Il va falloir que cette équipe de France dure. Il y a des échéances importantes dans quelques mois. Il faut rester serein et ne pas nous laisser manger par l’environnement et les nombreuses sollicitations futures.

Le grand objectif demeure cette Coupe du monde 2003…
La route est encore longue. Il reste des dizaines de rendez-vous avant cela. J’ai beaucoup de souvenirs d’équipes qui se croyaient invincibles et qui sont rapidement revenus sur terre. C’est pour cela que j’insiste sur le fait que nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Il faut continuer de travailler. Sur l’échiquier international, la compétition est permanente. Le plus difficile commence.

Cette rencontre face à l’ Irlande, vous avez bien failli la rater…
J’ai vécu une semaine difficile. Lors d’une séance de vitesse, je me suis blessé comme un junior à la cuisse. Je me suis dit « c’est pas possible, tu ne vas pas rater ce dernier match » ! Heureusement, le staff médical m’a permis de pouvoir tenir ma place. C’est pour cela qu’il faut vraiment insister sur la victoire d’un groupe. Les joueurs, les entraîneurs, le staff médical. Il y a tellement de mecs bien. Des mecs qui veulent à tout prix progresser avec nous.

Cette victoire, avez-vous eu le temps de la savourer entre vous ?
Après la rencontre, malheureusement, nous n’avons pas eu beaucoup de temps à passer entre nous. Il faut vite répondre aux sollicitations et tout passe si vite. Mais c’est comme ça. Maintenant, on est au bout du rouleau mais on est tellement heureux !

Vous avez souhaité lever le trophée avec vos partenaires…
C’est vrai que le trophée, j’ai tenu à le lever avec Raphaël (Ibanez) et Charly (Olivier Magne). Ils ont été, comme moi, les capitaines de cette équipe. C’est une question de respect.

On sent vraiment que cette équipe de France, c’est surtout une bande de potes…
C’est totalement ça. Je prends vraiment mon pied avec cette équipe. Il y a un tel état d’esprit. J’ai un grand plaisir à retrouver mes partenaires. Cet été, nous allons partir en tournée et tout le monde salive déjà à l’idée de ce grand voyage. On va vivre ensemble et on sait déjà que nous allons être heureux. Cette communion, c’est la condition pour être une grande équipe.
 

 Le 02 Novembre 1999, la France s'est qualifié pour la finale de la coupe du monde face aux All Blacks.

De la charrette à la charnière

 

Ils n'entraient pas dans les plans des architectes du jeu français. Ils ont pris les clés de la maison France en cours de construction.

Condamnés. Ils étaient inscrits dans le plan des préretraites, embarqués dans la charrette pour l'échafaud, Fabien et Titou. Condamnés au nom d'un rugby neuf, avaleur d'espaces, envoyeur de ballons, procureur de ballons propres, multiplicateur de temps de jeux, branché sur les courants alternatifs de l'axe et du large, pas du près et du pied.

Galthié-Lamaison, ils n'en voulaient plus, les entraîneurs, managers, grands penseurs du XV de France. Fabien Galthié, ne leur avait d'ailleurs pas envoyé son dépit par la poste vidant son sac de sport pourtant chargé de deux coupes du monde, dix ans de haut-niveau.

Héros du chelem 1997, indispensable à celui de 1998, Titou était là «au cas où». En sursis par le biais d'une polyvalence bien pratique pour polir les bancs, il peaufinait des combinaisons triangulaires avec Desbrosses et N'tamack, formule impossible à l'état expérimental dans le groupe.

Et puis, vinrent les circonstances, les déchirures des uns, l'inexpérience des autres. Très providentielles sur ce coup là, mais il en faut dans la vie, le sport et les Coupes du monde. Thomas Castaignède blessé, Lamaison revient contre la Namibie.

Simple joueur, déjà ouvreur pas encore buteur. «Une catastrophe ce match» nous dit-il le lendemain. Après l'"engueulo" de Maso, il va parler de Peyrehorade aux entraîneurs. On y admirait les Boniface, leur allure altière, leur passe princière, leurs courses landaises, mais quand il fallait jouer Dax, l'Aviron ou le B. O chez les cadets, l'oeil et le pied de Titou Lamaison, un jeu bien cadré «avec des boeufs devant la charrue» (papa était boucher, grand-père paysan, tous les tontons rugbymen), devenaient autrement plus efficace.

Ils ont simplifié le jeu et la vie

A 28 ans, Lamaison n'a pas seulement musclé son cou, ses cuisses, sa défense. Son discours dans le groupe et face aux entraîneurs tient la route : «je veux jouer ouvreur, on doit recadrer le jeu en fonction de notre potentiel». Quatrième réalisateur de l'histoire du XV de France (Après Thierry Lacroix, Didier Camberabero et Romeu), il reprend l'habit du buteur en fin de match contre la Namibie.

Précisément au moment où Fabien Galthié entre sur le terrain. Ce retour dans le groupe par le fil d'Ariane, cette rocade aux mauvais virages qui relie Toulouse à Seilh, repère des Bleus avant ce France-Fidji, il le doit à une élongation bégnine de Mignoni. Peut-être aussi à quelques dessous de cartes qu'on ne connaîtra jamais.

Dès son entrée en jeu, il appuie sa main sur le dos de Tournaire et Califano, glisse quelques signes cabalistiques aux allures de cabale à Titou Lamaison. Compris. Pas besoin de parler aux entraîneurs quand les joueurs vous écoutent. La charnière qui faisait grincer des dents met de l'huile dans la ligne bleue.

Doucement, progressivement, Fabien Galthié s'impose. Pour sauver les apparences, mais sans duper le monde, on dira «qu'il est préféré à Stéphane Castaignède contre l'Argentine parce que Pelous est suspendu et qu'il faut un homme d'expérience». Avant le défi aux blacks, plus besoin de feintes futiles et fumeuses : Pelous revient, Galthié reste.

Lors de réunions entre joueurs dans la semaine, c'est lui et Abdel Benazzi qui prennent la parole. Un peu comme lorsque Laurent Blanc et Didier Deschamps ont pris Aimé Jacquet à l'écart de la caméra du réalisateur du film «Les yeux dans les Bleus» pour une courte réunion.

A la sortie, Jacquet annonçait «un milieu à trois récupérateurs avec Karembeu et Guivarch avant-centre plutôt que Trezeguet». La semaine dernière à Londres, le vécu, l'expérience, la connaissance du jeu de ces demis désormais pleinement investis ont grandement favorisé la prise en charge collective de ce destin par les joueurs.

Les éclairages, les relances, la défense aussi de Fabien Galthié, la précision de l'oeil et du pied de Lamaison ont simplifié le jeu après avoir simplifié la vie des Bleus. Aujoud'hui encore, cette charnière, aura les clés de la porte des rois. Peu importe qu'ils soient entrés par le portail dérobé. Fabien et Titou ont déjà réhabilité, rétabli, réparé un grand oubli, l'honneur et le rugby des bleus.